Le drop "impossible"
Les Dacquois mirent hors course Romans (9-3), le SBUC. (14-3), la Rochelle (11-9) et Chambéry (11-5). C'était, comme en poule, à peine un peu moins bien à cause de la résistance des vaillants Rochelais. C'était Vichy qui avait eu le grand honneur de terrasser le F.C. Lourdais : le titre se trouvait vacant dès le soir des huitièmes de finale. La course parallèle des clubs finalistes s'assortissait de deux autres points communs: ni l'un ni l'autre n'avait gravé son nom sur le socle du Bouclier.
Les Bitterrois, toute la saison, avaient fait donner leur artillerie.
Pierre Danos et
Paul Dedieu s'étaient chargés d'assurer, par des buts et des drops, les victoires préparées par ces avants dont nous avons dit déjà pour des saisons précédentes, qu'ils n'avaient pas leurs pareils pour gagner les ballons d'or des mêlées ouvertes. A Dax, il y avait
Pierre Albaladéjo comme célébrité internationale.
André Bérilhe, le capitaine, jouissait du respect de tous,
Jean Othats avait été de la tournée en Argentine, l'été précédent, tandis que l'on commençait à parler de
Cassiède, du demi de mêlée
Jean-Claude Lasserre.
Les Dacquois, en rouge et blanc, ne comptaient qu'une vedette internationale,
Pierre Albaladéjo, alors à mi-carrière ; mais célèbre était leur pilier
André Bérilhe, capitaine dont la hargne, la puissance et la vitesse faisaient merveille. En l'ajoutant aux titulaires du XV de France, Amédée Domenech et Alfred Roques, on peut dire que notre rugby national possédait alors de formidables piliers. En seconde ligne,
Cassiède, solide et bon joueur de touche, était respecté par ses pairs de toutes les équipes rencontrées. Le demi de mêlée
Jean-Claude Lasserre ne se savait pas promis, comme lui, à la sélection suprême.
Jean Othats, un centre à l'agréable facilité, l'avait obtenue mais pas au grand jour du Tournoi. Jouissaient d'une certaine notoriété:
Contis au "couloir",
Raymond Albaladéjo à l'aile, l'avant-aile aux larges épaules
Pierre Darbos, le petit et dur talonneur
Berho. L'on commençait aussi à savoir la qualité de l'arrière
Emile Carrère. Le pilier
Bachelé, plutôt sec, athlétique, le seconde ligne
Christian Lasserre, l'avant-aile
Dubois, qui tenait à jouer malgré une cheville douloureuse, le centre
Bénédé, râblé, le longiligne ailier
Claude Darbos passaient enfin pour de fort bons joueurs.
Ce ne fut pas une bonne finale. Heurtée, parfois trop dure, trop longtemps sans brio, elle fut illuminée par un exploit de
Pierre Danos, un drop "impossible" qui fit aussitôt son entrée dans l'anthologie des « gestes » fameux des finales, coup de botte qui, par delà sa beauté technique, eut aussi le très grand mérite de valoir le titre suprême à l'équipe.
Avant cet éclat, que s'était-il passé ? Peu de bonnes choses ! Une seule attaque, biterroise d'ailleurs, des irrégularités, deux pugilats et de sempiternels bottés en touche, de ratages de but, de drop, enfin un tir de pénalité de face aux vingt-cinq mètres pour un placage trop appuyé de Barrière sur Jean-Claude Lasserre, but converti par Pierre Albaladéjo à la vingt-cinquième minute. Cinq minutes après, Paul Dedieu égalisait, sur pénalité du coin des trente mètres.
Béziers donna ensuite une idée de ce qu'était habituellement son jeu plus complet. Enfin, Dax eut un grand éclair par une profonde interception du centre Othats que Dedieu clouait net au sol, sauvant son équipe ainsi qu il le faisait chaque dimanche. La seconde mi-temps fut moins décevante. On cherchait enfin à créer. Un mouvement croisé (Othats-Bénédé), une percée de Pierre Albaladéjo, une attaque avec l'appoint de l'arrière dacquois Carrère, dans un grand jour offensif, tout cela avait mis les Biterrois en grand danger.
Soudain, les Héraultais se rebiffèrent, envahirent le camp dacquois. S'ils avaient eu affaire cette fois à forte partie en mêlée, les Biterrois, avec Salas et Gayraud, avaient eu un assez net avantage en touche malgré de bonnes répliques de Cassiède et, notamment, leurs utilisations de balles conquises avaient été meilleures que celles de leurs rivaux ; mais les avants de Danos n'avaient pas eu, sur les balles mises à terre après bonne prise â deux mains, la même facilité d'exécution que devant tant d'autres groupements. Les Dacquois avaient décidément un magnifique « huit » servi par un solide demi de mêlée, sorte de neuvième avant. De cette implantation biterroise en camp landais, de ces conquêtes aussi, devait naître le dropgoal de Pierre Danos.
Pour l'A.S. Biterroise, tuer tout jeu créateur en face, en renvoyant la balle loin en touche, par
Dedieu, par
Danos devenait le souci majeur. Les Dacquois, dans les toutes dernières minutes, tentèrent dix fois peut-être de passer mais les "bleu et rouge" les prenaient dans un réseau serré où
Pierre Albaladéjo déchirait quelques mailles. Béziers n'avait pas pour rien assuré la meilleure défense (chiffrée) de la saison. Une échappée, orgueilleusement solitaire, d'une ligne de vingt-deux mètres à l'autre, menée par
Pierre Darbos, une autre de son frère Claude, qui trouva l'avant
Christian Lasserre pour le soutenir, une ruée farouche de
Bérilhe furent vaines.
Pierre Danos expliquait après le combat que l'un et l'autre clubs n'ayant jamais connu la joie immense de conquérir le grand titre, il fallait excuser le Champion nouveau de n'avoir pas montré son vrai visage.
Extrait du livre de George Pastre "Les volcans du dimanche" Collection Midi Olympique