Au Biarritz Olympique, pour Louis-Vincent Gave, "c’est le drame de la vanité et de la connerie"
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Pour la première fois depuis son offre refusée de reprise du club, Louis-Vincent Gave prend la parole. L’homme d’affaires fustige l’équipe dirigeante et laisse la porte entrouverte à un retour
Le mail est arrivé vendredi soir sur l’adresse du courrier des lecteurs de « Sud Ouest ». Il était signé Louis-Vincent Gave. Le chef d’entreprise de 43 ans est l’homme qui a apporté le million et demi d’euros, un an plus tôt, dans les caisses du Biarritz Olympique.
Depuis, cet investisseur français dont la société est basée à Hongkong vit une brouille avec ses associés d’ATSI, entreprise qui détient environ 52 % du BO. Joint par « Sud Ouest », l’homme qui réside à Whistler (Canada) a livré sa version de l’affaire alors que le club va faire appel de sa rétrogradation en Fédérale 1 prononcée par la DNACG.
« Sud Ouest » Que reprochez-vous aux dirigeants actuels du Biarritz Olympique ?
Louis-Vincent Gave Je ne comprends pas pourquoi ils continuent de mentir. Ils ont menti sur les partenaires, sur le fait qu’ils avaient les sous pour la DNACG, sur leur surprise de la décision et maintenant ils mentent sur le fait qu’ils cherchent un compromis avec moi. Depuis que Benjamin Raynaud est président (NDLR : Benoît Raynaud), il ne m’a jamais appelé ou écrit. De toute manière, je ne prendrai pas son coup de téléphone. Donc quand je lis dans la presse qu’on est en contact pour trouver une solution, c’est faux.
Vous n’êtes pas en contact avec ses associés, les actionnaires (Bruno Ledoux, Benjamin Gufflet) d’ATSI ?
Le seul mail que j’ai échangé avec Bruno Ledoux, c’est pour qu’il me donne les comptes d’ATSI. Ca fait trois mois que je les demande, et je n’ai toujours rien. J’ai mis 1,5M€ dans ATSI qui était supposé aller au BO. J’aimerais savoir si c’est le cas. D’après Nicolas Brusque, il n’y aurait que 1,1M€ ou 1,3M€ qui serait arrivé… Je leur intente un procès pour qu’ils me remboursent. Je ne sais même pas si je suis actionnaire.
Vous n’avez pas reçu le document officiel (K-bis) qui le prouve ?
J’ai le K-bis du 15 mai 2018 où je ne suis pas actionnaire et Bruno Ledoux m’envoie celui du 16 qui montre une augmentation de capital de 1 000 à 2 000 euros. Ça ne prouve rien. Il n’y a aucun papier signé. Au passage, cela fait un an que je demande ce document. J’ai dû engager des avocats pour prouver mon actionnariat. Si on m’ouvre les comptes d’ATSI, on pourra commencer à parler mais depuis vendredi, c’est silence radio.
Quelle est votre position par rapport au BO ?
J’ai fait une offre il y a trois mois. J’ai étudié le dossier avec Jean-Baptiste (Aldigé). J’ai posé 3 millions d’euros sur la table. Je demandais 51 % du club, la présidence et les mains libres pour effectuer un travail de restructuration. La mairie était pour, les historiques aussi malgré les tensions qu’il y avait eues entre nous (NDLR : son père, Charles Gave, s’en était violemment pris à Serge Blanco lors de l’assemblée générale du 5 février). M. Gufflet a refusé de laisser la présidence. M. Ledoux a proposé une coprésidence avec Benjamin Gufflet. Je ne vais pas faire un compromis alors que j’amène tous les chèques. Je ne suis pas une œuvre de charité. J’ai fermé le dossier.
Votre position est-elle définitive ?
Mon enthousiasme pour venir est très très très limité, mais inexistant avec la direction actuelle. Tant que MM. Ledoux, Gufflet et Raynaud sont impliqués dans le club, de près ou de loin, il n’est pas possible pour moi d’y remettre un centime. Une fois ces gens-là partis, si la mairie, M. Blanco ou quelqu’un d’autre a un projet crédible à me proposer, je serai prêt à l’étudier, et éventuellement y participer. Mais ce n’est pas non plus un « oui ».
Vous ne participerez donc pas au grand rassemblement voulu par les dirigeants ?
Le grand rassemblement qu’ils appellent de leurs vœux, il est fait. La mairie, la région, les historiques, le staff, les joueurs : tout le monde est contre eux Ils ont même réussi à unir tout le conseil municipal sur un seul sujet. C’est pas évident !
Comment voyez-vous la suite ?
Mon offre date du mois de mars. Le produit est dévalué, le recrutement pas exactement celui que j’aurais fait, et je ne vous parle pas de celui des espoirs qui n’a pas été fait. Une saison se prépare en février, pas en juin. Le seul espoir est que Nicolas Brusque reprenne le club pour faire ce grand rassemblement.
C’est paradoxal car vous l’avez quand même écarté de la présidence avec Bruno Ledoux et Benjamin Gufflet en février dernier…
C’était une erreur. Je ne me rendais pas compte de l’incompétence de Benjamin Gufflet. Et j’ai été bluffé en sortant de l’assemblée générale du 5 février quand Bruno Ledoux a dit qu’il ne mettrait pas un centime. Il y a 80 foyers qui dépendent du club et M. Ledoux joue au poker avec la vie des gens (1). C’est sa responsabilité. Ces mecs se sont vus bien plus beaux qu’ils ne sont. C’est le drame de la vanité et de la connerie. Et moi, avec 26 % du club, je devrais mettre 80 % de la hausse de capital ? S’il y a eu une saison l’an dernier, c’est t grâce à mon argent (1,5M€). Ce n’est pas moi qui ai creusé le trou.
e maire a pris votre parti et celui des historiques. Comment l’analysez-vous ?
Que Gufflet, Ledoux et Raynaud n’aient pas la décence et l’honneur de démissionner alors qu’ils viennent de se prendre une énorme défaite est ahurissant. Quand je suis parti, j’ai cru aux promesses de Bruno Ledoux. Il a dit qu’il ferait les chèques. S’il n’est pas prêt, qu’est-ce qu’il fout là et pourquoi m’a-t-il chassé ? Je ne peux pas faire des chèques en blanc sans contrôler où va l’argent. Pour 100 000 euros, à la limite, mais 3 millions… Je ne peux pas laisser Benjamin Gufflet avec le carnet de chèque, c’est n’importe quoi. Je ne peux pas payer les 9 000 euros de salaire d’un président qui ne connaît rien au rugby – demandez à Gonzalo (Quesada), Jack (Isaac) ou qui vous voulez – alors que le club est en faillite. C’est comme si quelqu’un me disait de reprendre une centrale nucléaire ou l’Opéra de Paris. Il faut avoir conscience de ses propres compétences.
Un président rétribué qui délaisse son activité, est-ce si choquant ?
Je travaille dans la finance. Je n’ai aucun problème pour payer des mecs au résultat. J’en paie certains des millions de dollars. Mais des stagiaires qui ne connaissent rien à rien et vous font rentrer dans le mur, ce n’est pas possible.
Vous actez l’échec de l’équipe en place. Et si elle parvenait à sauver le club ?
Je crois qu’on peut déjà l’acter. Ces gens nous disaient il y a trois semaines qu’il n’y aurait pas de problème avec la DNACG, qu’ils avaient des partenaires. On attend toujours de savoir qui… Si leur seule solution, c’est de trouver un compromis avec moi, ça veut dire qu’ils n’ont pas de solution. S’ils en ont une autre, tant mieux pour eux, tant mieux pour le BO. Sinon, le BO est cuit.
Pourquoi vous êtes-vous engagé dans cette aventure ?
Je ne suis pas basque, je n’ai pas de maison au Pays basque, je ne passe pas mes vacances au Pays Basque. Je suis venu par amour du rugby. Je suis quelqu’un de discret. Je m’exprime peu dans la presse, je n’ai pas de compte Twitter ou Facebook. Depuis que je suis impliqué, je me fais cracher dessus dans la presse, on dit que mon argent est sale. Je ne vois vraiment pas ce que j’ai à gagner… si ce n’est perdre trois millions d’euros.
Pourquoi insister ?
J’ai quand même investi 1,5M€. C’est triste de les perdre. On m’avait promis la régie publicitaire du club sauf qu’on ne me l’a jamais filée. On ne pouvait pas car elle était déjà vendue à quelqu’un d’autre. Vous allez medire, c’est de ma faute, j’aurais pu mieux me renseigner. J’ai fait confiance aux gens.