En dominant Bayonne samedi dernier au Stadium (13-6), le SC Albi a assuré sportivement son maintien dans le Top 14. C'est un authentique exploit pour ce petit club qui essaie d'exister au mileu des grosses machines du rugby français. Mais la fête est pour l'instant gâchée par la retrogradation administrative qui frappe le club, au motif d'un déficit de 59 000 euros et de problèmes quant au dépôt des fonds propres. Eric Béchu, l'entraîneur du club tarnais, veut pourtant croire en la justice sportive. Il estime que ses joueurs ont montré qu'ils méritaient leur place dans le Top 14, et espère poursuivre cette belle aventure humaine qui donne un grand bol d'air au rugby tricolore. Verdict le 10 juin, après la commission d'appel.
« Eric Béchu, vous avez assuré votre maintien samedi. Après avoir atteint cet objectif, quel sentiment prédomine ?
C'est une énorme satisfaction, évidemment. On a vraiment l'esprit libéré maintenant pour les deux derniers matches de la saison. On s'offre deux rencontres sans pression à Castres et à Montauban, et ça va nous faire du bien. On savoure le moment, même s'il y a aussi de la frustration car on ne sait pas quel est notre avenir. En tout cas nous avons la satisfaction de n'avoir jamais été relégables depuis deux ans. Et ça c'est une grande fierté. Pas une seule fois nous ne sommes descendus au-delà de la treizième place.
Quelle est la recette du SCA pour exister dans ce Top 14, alors que vous ne faites pas partie des grosses écuries ?
Je ne sais pas trop. En premier lieu, je crois qu'il y a une vraie solidarité dans ce groupe. Il existe une ambiance fraternelle entre les joueurs, et c'est très important. Cette valeur est souvent un peu galvaudée aujourd'hui, mais chez nous c'est une vérité. Ensuite on a un projet de jeu qui fait qu'on essaie d'être un peu différent. On se dit qu'on n'a pas les mêmes armes que les autres, surtout l'année dernière, donc si on joue le même rugby que nos concurrents, c'est voué à l'echec. Donc l'année dernière, on a très fortement axé notre jeu sur la conquête, la défense, le jeu devant, sur un jeu un peu restrictif. Cette année on a essayé de donner un peu plus de volume, on a même eu des bonus offensifs. Mais notre évolution est lente, on ne met pas la charrue avant les boeufs, on essaie de progresser petit à petit, en s'appuyant sur les bases. Le tort de certaines équipes qui montent, c'est de vouloir jouer au même jeu que Toulouse et Clermont. Et à ce jeu-là, vous êtes battus.
Vous pouvez aussi vous appuyer sur un engouement incroyable à Albi. Ce soutien, est-ce aussi une des raisons du succès ?
C'est fabuleux, mais c'est surprenant aussi. C'est une ville qui n'avait pas tendance à bouger comme ça. Je n'aurais jamais imaginé qu'il y aurait cet engouement. Les gens sont passionnés, il y avait encore 9 000 personnes ce week-end au Stadium, tous habillés en noir et jaune. C'est un soutien passionnel. Au final, je crois qu'on est les garants d'un certain esprit du rugby, et j'espère que ce sera reconnu.
Sportivement c'est donc gagné, mais vous êtes toujours sous la menace d'une rétrogradation administrative. Coment vivez-vous avec cette épée de Damoclès ?
On est obligés d'y penser dans notre pire cauchemar. Mais on ne l'imagine pas, moi je ne peux pas croire qu'on a fait tout ça pour rien. Je fais confiance à la commission d'appel et à la justice sportive. Je suis persuadé qu'ils sauront entendre nos dirigeants, et voir que ce club mérite de rester là où il est. On l'a mérité sportivement. Moi je réponds au plan sportif uniquement, et de ce côté-là il y a une histoire et une politique qui ne peuvent pas être taxées d'inflationnisme ou de problèmes dérengeants par rapport à l'éthique.
Coment expliquez-vous cette situation compliquée pour le club ?
Ce qu'il faut regarder, c'est qu'on n'a jamais construit ce club sur de l'argent, sur un recrutement fou et démesuré. On a toujours recruté des gars en rupture de banc dans le Top 14 ou des joueurs de Pro D2. Aucun de nos joueurs n'était connu, et vous imaginez bien que leurs salaires sont en proportion. Il n'y a pas d'excès dans ce que l'on a fait. Il y a juste une crise de croissance. C'est un club qui est passé de la Fédérale 1 au Top 14 très vite, et qui a eu du mal à grandir. On est passés du 78e club français au 9e l'an dernier, en huit ans. On monte en Top 14 avec un statut d'association loi 1901. On est passés en SASP trois jours après la montée. Tout cela est difficile à assumer pour les dirigeants. Ce fut dur de monter un budget pour que l'entreprise fonctionne. Aujourd'hui ça va mieux, c'est une jeune entreprise qui grandit et il ne faut pas casser cette dynamique.
Donc vous êtes plutôt confiant ?
Vous savez, moi je suis un agent de l'Etat, en disponibilté du Ministère de la jeunesse et des sports. Et j'ai toujours eu une confiance sans borne dans la justice sportive, donc je continue à lui faire confiance.
Alors quel sera le visage du SCA la saison prochaine ?
Tous les ans, du fait du manque de finance, on perd des joueurs. L'année dernière on perd une première ligne, cette année on perd la seconde ligne (Mélà part à Brive, Guicherd à Pau), un ouvreur (Hough, à Pau) et un centre (Sanchou, à Castres), et pour des raisons financières, uniquement. Donc on va repartir avec la même politique, en allant chercher des joueurs moins cher, en Pro D2 ou ailleurs. On restera toujours sur ce schéma, on vit avec nos moyens.»
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